100 ans de l’association : de la FFPN au cinquantenaire

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Suite de notre dossier consacré aux 100 ans de l’association. Précédemment nous avions parcouru les événements survenus depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à la fin des années 50. Poursuivons cette fois-ci jusqu’au cinquantenaire de l’association.

Bonne lecture, et merci à ceux qui ont contribué à ce premier travail d’histoire, notamment : Philippe Charrier (85), Jean-Luc Cucheval (56) et Geoffrey Mechekour (61).

Holsteinisation

En août 1965, les premières Holstein arrivent dans l’Hexagone, depuis le Canada : 18 vaches et les taureaux Blue Haven et Climax. La revue La France Agricole raconte : « Une sympathique équipe franco-canadienne termine un tour de France particulièrement remarqué, puisqu’il s’agit de persuader les éleveurs français de s’intéresser à la Holstein Friesian canadienne. Les résultats d’un troupeau sont présentés en même temps: productions individuelles atteignant les 9 000 litres. Production d’étable (tous âges) de 6 700 à 7 300 litres. Longévité inconnue en France (15 à 19 ans). Rien ne manque à ce tableau pour être convaincant. Ce show est un succès, puisque les commandes affluent ». A l’issue de ce tour de France des expositions, le lot est introduit au Domaine de Boulieu en Isère.

De son côté, le conseil d’administration du Herd-Book envoie deux de ses membres au Canada. Leur rapport n’est pas favorable à l’importation de ces Holstein-Canadiennes, estimant que l’orientation donnée à la Holstein Friesian est totalement différente de celle qui est effectuée par les éleveurs français, opposant le style laitier canadien au style mixte français. Toutefois, avant de prendre une décision définitive, il est prévu de se rendre en Angleterre pour constater les résultats obtenus avec des reproducteurs canadiens.

Le Cimbria
crédit : Bibliothèque et Archives
nationales du Québec

La même année, en parallèle du HB FFPN, se crée le Syndicat Français des Eleveurs de Bovins Holsteins-Canadien, avec l’appui du ministère et du Herd-Book Canadien, emmené par Jean MERCIER (02), Jean-Pierre FERTE (02), Jean FRINGAND (88), François BOSSAN (26), François RAVIER (38) et Edouard REBOTTON (38). Un protocole d’accord entre les deux associations permet de créer une commission mixte en 1966 ; une section Holstein Canadienne est créée au sein du Herd-Book.

Face aux demandes croissantes de Holstein par les éleveurs, et par le biais d’accords commerciaux, les importations sont autorisées. Le Ministère charge le Herd-Book de l’enregistrement des animaux importés du Canada. Les vaches et taureaux testés de race Holstein arrivent par bateau. Le Cimbria débarque au Havre avec près de 500 animaux. Les croisés Holstein pourront bientôt rejoindre le livre (1967), s’ils remplissent les conditions appliquées aux animaux de race pure.

Table de pointage FFPN – 1965
PostesVaches
Tête (forme, yeux, mufle, cornes)8
Cou, poitrine, garrot, épaules10
Dos, côtes, flanc8
Reins8
Bassin12
Cuisses6
Queue4
Membres, aplombs6
Mamelle, trayons, tissus, forme, veine mammaire, attache20
Signes laitiers, peau, couleur20
Aspect général, dont la peau, la robe, type, allure, musculature, développement18
Des points pouvaient être acquis en supplément,
selon les prix de championnats obtenus sur les concours nationaux (Spécial et Paris).

En 1972, à la Conférence Européenne des éleveurs de la race Pie-noire, l’exposé de chaque pays permet de constater, avec une plus ou moins grande véracité selon les pays et les critères, que l’utilisation de souches Nord-Américaines a permis « une amélioration rapide de la production laitière, une augmentation de la taille et du développement, une amélioration de la conformation de la mamelle, meilleure solidité des membres et des onglons, amélioration des qualités de traite ».

Précisions. Si la majorité des pays européens a débuté les importations dans les mêmes années, l’Italie a démarré les siennes dès 1928. De même, les stratégies divergent : là où la France et d’autres pays optent pour une importation lente et ciblée (par IA), la Suisse opte pour un croisement d’absorption avec les races jurassiques locales.

La Holstein s’impose petit à petit dans les esprits des éleveurs et des structures en Europe. En France, il lui faudra encore batailler pour s’imposer.

Bientôt l’UPRA

Michel PROFFIT

En 1967, Michel PROFFIT (27), prend la présidence du Herd-Book qui compte désormais 94 562 animaux inscrits (58% contrôlés). La production moyenne (293 j) s’élève à : 4080 kg de lait, 153.9 kg de MG et 37,7 g/kg de TB.

Les changements réglementaires pèsent lourdement sur cette période :

  • Le 28 décembre 1966, la loi sur l’élevage bouleverse les organisations, les relations et les pratiques, avec pour objectifs : l’amélioration génétique des cheptels, l’organisation de l’élevage et le financement pour le développement de l’élevage. Deux ans plus tard, naissent les premières UPRA pour au moins deux raisons. D’une part certains voulaient voir dans les Herd-Books un club plus ou moins fermé et d’autres la possibilité de préserver une rente en matière de commercialisation, feignant d’ignorer que les méthodes d’amélioration n’étaient plus entre leurs seules mains (développement de l’insémination), et d’autre part les difficultés à répondre au marché export des animaux reproducteurs, alors que la France avait le second plus grand cheptel à l’échelle mondiale. Il faut tout de même attendre 1969 pour que le premier projet d’UPRA soit amorcé, puis 1975 pour qu’il voit le jour pour notre race, après d’âpres négociations. De même, il faut attendre 1970 pour que la loi sur l’élevage entre en application, créant avec elle la Commission Nationale d’Amélioration Génétique (CNAG) et les Établissements Départementaux de l’Élevage (EDE).
  • En 1966, pour se préparer à l’union douanière et face aux demandes émises par certains pays, l’association crée la SICA SAVA FFPN. Cet organisme est chargé d’organiser la commercialisation des animaux à l’export. Face aux difficultés à répondre aux appels d’offre trop nombreux, et aux réussites commerciales trop peu rentables, la structure ne dure que 5 ans avant d’être liquidée.
  • En 1969, la loi Godefroy précise un peu plus le paiement différentiel du lait selon sa qualité et sa composition. Trois classes (A, B, C) et bientôt 4 (Super A) notent le lait selon sa teneur en germes.
Obole – Grande Championne Laitière 1966, 1967 et 1968 au CGA

Sous l’impulsion de Jacques HOUGUET, à partir de 1968, les vaches présentées à la Commission d’inscription doivent désormais avoir les minimums de production requis pour être enregistrées. Une classification 3 postes (taille, mamelle, classe globale) accompagnera toute acceptation et sera reportée sur le pédigrée : l’appréciation est en marche.

Siège du Herd-Book – Cambrai en 1970

La même année, les bureaux du personnel de la FFPN déménagent et se regroupent dans le centre-ville de Cambrai. Les locaux plus vastes permettent d’accueillir le volume conséquent de documents qui augmente chaque jour un peu plus, ainsi que l’atelier régional mécanographique (calcul et tri de cartes perforées). Ce dernier loue ses services aux structures agricoles régionales. C’est la naissance des premières ARSOE. Le Herd-Book y adhère.

premiers index publiés

La déclaration de naissance devient obligatoire à partir de 1970 (car pour le calcul des index cela prive de l’exploitation 75% des résultats de CL des femelles contrôlées), de même que les animaux seront désormais numérotés sur dix chiffres permettant d’élargir la base de sélection et un testage plus efficace.

Pour la voie mâle, les taureaux se font indexer pour la première fois (MG. Lait et TB), grâce aux travaux menés conjointement entre le CTCD, Jean-Maurice DUPLAN (INRA), Georges BODILIS (ingénieur en chef des Services Agricoles du Pas-de-Calais), et le Herd-Book.

50 ans

A l’approche des cinquante ans, la période n’est pas faste pour le Herd-Book, qui voit son nombre d’adhérents chuter de quelques 9820 à environ 4000, alors que l’association emploie 76 personnes (dont 61 femmes). La frilosité de certains membres vis-à-vis de l’inclusion des Holstein-Canadiennes, l’ouverture du marché commun retirant la nécessité d’adhérer au Livre pour importer des animaux avec franchise douanière, en passant par des accidents de voiture diminuant l’équipe de techniciens (perte de Pierre GOUBET), de même que l’amalgame avec les missions des EDE, le développement de l’IA (perte d’intérêt du pointage des taurillons), ou encore le rapport Mansholt qui sème le trouble sur la production laitière, sont autant de facteurs responsables de cette déliquescence.

Quoi qu’il en soit, le Herd-Book organise son cinquantenaire à Cambrai. Une grande fête est donnée. Son concours spécial accueille 500 FFPN, logées sous un immense chapiteau (116 x 53 m). On trouve également en présentation des Holstein canadiennes et américaines. Cet événement réunit, en plus, des concours ovin, porcin et allaitant. Quatre rings tournent en permanence. Jusqu’à 1 500 animaux sont annoncés, faisant du concours de Cambrai le plus important après Paris.

Venues en Italie pour la Conférence Mondiale, les délégations étrangères de 11 pays sont conviées à Cambrai et se délectent dans les jardins de la ville. Au lendemain, de cette édition, le président PROFFIT, écrit : « Après cette brillante manifestation tous les espoirs sont permis, et dans la mesure où le rôle de chaque partenaire est reconnu dans une nouvelle construction [loi sur l’élevage 1966], dans le respect des intérêts de chacun et de tous, ce qui n’est pas incompatible, il est permis de penser que nos successeurs auront la possibilité en l’an 2022 de faire le bilan de 100 années d’efforts au service de l’élevage et des éleveurs de la race Française Frisonne Pie Noire ».

Suite de ce dossier consacré aux 100 ans de l’association dans quelques semaines.