Maître Éleveur : découvrez l’Earl des Belles Holstein !

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Cet été à travers des formats courts, nous mettions à l’honneur sur nos réseaux sociaux les Maîtres Éleveurs 2023 et 2024. Désormais, découvrez des articles détaillés consacrés à ces élevages d’excellence : organisation de l’exploitation, philosophie, stratégie d’élevage… et bien plus encore !

Aujourd’hui, nous vous emmenons dans les Côtes-d’Armor, à la rencontre de l’Earl des Belles Holstein et de la famille Clech !

Michel et Élisabeth Clech, accompagnés de Stéphane Riou, administrateur PHF © Guillon Photographies

En 1978, Michel Clech s’installe dans les Côtes-d’Armor, dans le canton de Callac de Bretagne, avec un troupeau composé de 25 Prim’holstein et la suite, sur une surface de 23 ha en friche. L’Earl de Traongoff est ainsi né. Après 20 années d’exploitation, les impossibilités d’agrandissement en foncier et les normes environnementales (fond de vallée et ruisseaux trop proches des bâtiments) amènent l’éleveur à réfléchir à un changement d’exploitation.

C’est ainsi qu’à 10 km de Morlaix, à la limite du parc naturel régional d’Armorique, Michel Clech se réinstalle en 1998 à Pleyber-Christ. Il y amène une vingtaine de vaches depuis les Côtes-d’Armor, après avoir repris l’exploitation de son ancien employeur. Deux ans plus tard, la crise de l’ESB frappe de plein fouet l’élevage. Entourés et soutenus, Michel et sa femme Élisabeth trouvent la force de repartir de zéro. Ils reconstituent entièrement le cheptel, qui deviendra la base du troupeau actuel.

À la même époque en 1978, Élisabeth Clech devient l’une des premières femmes inséminatrices sur le terrain en France, formée au centre non agréé d’Évran. Elle y exercera sept ans avant d’intégrer définitivement le centre d’insémination de Plounévézel (Évolution) en 1989 comme inséminatrice, couvrant le secteur de Callac et Morlaix.

Aujourd’hui, c’est leur fille, Aude Clech, qui reprend l’élevage familial, fort de plus de 45 ans de sélection rigoureuse. Sur 92 ha, une centaine de vaches Prim’holstein noires et rouges produisent 1,15 million de litres par an. Le troupeau, largement structuré autour de familles solides, bénéficie d’une gestion génétique pointue et d’installations récentes.

Cette année, le troupeau affiche un pointage moyen de 85,5 pts. La production annuelle atteint les 10415 kg de lait par vache, avec un âge moyen au 1er vêlage à 25 mois.

Présentation de l’exploitation

Superficie totale : environ 90 ha de SAU

  • 7 ha d’orge
  • 30 à 33 ha de maïs
  • Le reste en herbe RGA + Trèfle blanc
  • 5 à 6 ha d’ensilage de maïs achetés tous les ans
  • Les travaux des champs sont délégués à la CUMA et l’ETA

Équipement

  • Équipement de traite : 2 robots GEA
  • Stabulation paillée pour les génisses et vaches taries + racleur automatique
  • Bâtiment logettes, matelas d’eau et 2 racleurs automatiques pour les vaches laitières

Le cheptel / le troupeau

  • 100 % Prim’holstein noires et rouges
  • Nombre de vaches laitières : 97 à 100 vl
  • Nombre de génisses élevées : 95 à 100 génisses
  • Âge moyen au vêlage : 25 mois, avec un objectif à 24 mois
  • Production laitière annuelle : 1,15 million litres
  • Pratique l’insémination par l’éleveur
  • Possède une bonbonne depuis 1978

Vaches qui ont marqué le troupeau

  • Nikita RF (Dominator x Upril Lia), meilleure mamelle adulte SPACE 2001
  • DRA August (US), Glenridge citation Roxy (US)
  • Élevage Gallais 35 : Elwood EX-91 (Orange), Hockety (Odyssée), Jerland (US)
  • Plushanski Sleitus Farcy (US)
  • Mélissa rouge (élevage Guérin 45)
  • Ookie (élevage Des Blés Noirs 22)
  • Roumba (élevage Cabon 29)
  • Brenda (élevage Cabon 29)

Ration hiver octobre 2025 / VL (jours moyens de lactation : 168 jours)

  • Maïs ensilage : 46 kg brut / 14,7 kg MS
  • Maïs grain : 2 kg
  • Ensilage d’herbe enrubanné : 5 kg MS
  • Correcteur Azoté (Axo Boost) à l’auge : 2 kg
  • Minéral NATUAL : 0,120 kg
  • Lithothamne : 0,2 kg
  • Bicarbonate : 0,150 kg
  • Sel : 0,05 kg

Au robot :

  • Correcteur azoté (Axo Tane Pro) : 2 kg/VL
  • Enoxo Amifib 2,5 l : 2,4 kg/VL
  • Propylène Glycol : VL vêlées depuis moins de 60 jours

Distinctions

  • 2025 : 64e NG l 69e MO
  • 2024 : 27e en MO l 56e en NG
  • 2023 : 23e en MO l 49e en NG

Philosophie et vision du métier

Depuis de nombreuses années, un mantra guide Michel Clech et sa femme Élisabeth : « La génétique, ça ne se cueille pas, ça se construit. » Selon eux : « C’est à l’éleveur de façonner un bel animal, bien dans sa peau. On aura beau équiper un bâtiment avec le meilleur matériel possible, si la construction de I’animal n’a pas été réfléchie, ça ne fonctionnera pas », explique Élisabeth Clech. Le bien-être animal, c’est un animal qui se sent bien dans son bâtiment, mais aussi avec son éleveur. « Quand les vaches viennent vers les éleveurs et communiquent, c’est bon signe. Un troupeau calme est un troupeau heureux. » Aux jeunes éleveurs, ils transmettent un message simple mais essentiel : « construisez des vaches solides et aimez-les. »

Tout au long de leur parcours, le couple Clech a appris des nombreuses personnes croisées sur leur route. Ils nourrissent un profond respect pour les membres de Prim’Holstein France, dont les « conseils se sont toujours révélés précieux », ainsi que pour les éleveurs de concours. « Nos années concours, c’étaient les vacances de I’année ! C’était pour nous des temps de respiration où I’on rencontrait des éleveurs qui partageaient la même vision que nous. »

Élisabeth et Michel Clech accordent également beaucoup d’importance aux compétences et au savoir-faire présents dans le milieu de l’élevage : « c’est ce qui fait sa vraie richesse », souligne Élisabeth Clech.

Stratégie d’élevage

Deux périodes marquent la stratégie génétique de l’Earl Des Belles Holstein : leur arrivée dans le Finistère en 1998 et l’ESB, deux ans plus tard.

Lors de la fusion des deux troupeaux en 1998, Michel et Élisabeth ont constaté certaines erreurs dans l’alimentation des génisses. Elles présentaient notamment un excès d’état corporel avant vêlage. Côté vaches, l’analyse de la conduite alimentaire des vaches issues du troupeau repris a révélé : « un taux butyreux (44,36) très élevé, tout comme le taux protéique (33,8). À cette époque, la référence matière grasse se construisait dans les élevages, cela représentait pour nous un atout considérable », explique Élisabeth.

L’étude des bilans génétiques des deux troupeaux a permis d’identifier les meilleurs animaux selon l’ensemble des critères de sélection. Cette analyse a conduit à la constitution du troupeau fusionné, comptant alors 65 vaches (pointage UPRA 1998 après fusion des deux troupeaux : 85 pts de NG).

L’abattage complet du troupeau en 2001 pousse le couple à mettre en place une stratégie de repeuplement particulièrement rigoureuse. Avant de se séparer de leurs vaches, Élisabeth et Michel Clech réalisent des prélèvements embryonnaires à partir de leurs meilleures femelles. Ces embryons sont conservés sous-scellé jusqu’aux résultats d’analyse ESB après abattage : ils ont révélé qu’une seule vache était positive sur 150 animaux testés. Cela a permis de disposer d’embryons sains de haute valeur génétique pour compléter le troupeau à reconstruire.

« En parallèle, nous avons acheté 18 génisses issues de grandes familles de vaches reconnues au niveau international, âgées de 2, 4 et 10 mois », explique Élisabeth. Elles sont alors mises en pension dans un autre élevage, jusqu’à la fin de la crise. Le reste du cheptel a été complété par des achats en Haute-Marne, Moselle et Bretagne : pointage moyen du troupeau 86.6 points après repeuplement en 2001, puis 88 points en 2005.

Fort de son expérience d’inséminatrice, Élisabeth travaille avec son mari Michel sur la stratégie génétique et le planning d’accouplement du troupeau. Leur stratégie d’accouplement est gérée avec méthode. Les différentes familles de vaches sont divisées en rameaux : certains sont conservés, d’autres écartés. Pour établir le planning d’accouplement, Élisabeth et Michel prennent en compte I’Isu, ainsi que les index de détail à améliorer sur chaque femelle, et en tenant compte de son ascendance. « Tout est consigné dans des classeurs par famille : chaque vache dispose de sa propre fiche de suivi ». Ce travail s’appuie en complément sur les outils de Prim’Holstein France, avec le planning d’accouplement PHF, puis aujourd’hui le logiciel PH Manager : « pour moi, PH Manager a été une véritable révolution ! C’est un logiciel puissant, complet, et c’est vraiment formidable de travailler avec ce genre d’outil ! », nous partage Mme Clech.

Pour garantir une production laitière optimale, la famille Clech privilégie des critères morphologiques bien définis. L’éventualité d’une future traite robotisée les a conduits à faire évoluer leur stratégie de sélection, tout en préservant la philosophie qui guidait leurs choix jusqu’alors :

  • Le troupeau présentant déjà beaucoup de format, ce critère devient aujourd’hui moins prioritaire. En revanche, les vaches doivent conserver une poitrine plus large tout en restant anguleuses : la finesse laitière reste essentielle, même en système robotisé
  • La ligne de dos doit être irréprochable, avec des reins solides et des bassins suffisamment ouverts pour accueillir la mamelle et faciliter les vêlages
  • Le critère « membres » prend encore plus d’importance : il faut des jarrets bien alignés et des pieds épais, gages d’une bonne locomotion dans les bâtiments et vers les robots
  • L’implantation arrière de la mamelle est un point clé pour assurer un passage fluide au robot de traite. Une distance plancher-jarret un peu moins haute qu’en système salle de traite est admise car cela peut poser difficulté pour quelques animaux
  • La hiérarchie au sein du troupeau est davantage sollicitée que dans d’autres systèmes, les vaches sortant moins et évoluant dans un espace plus restreint. Il est donc essentiel que leur construction soit bien pensée, afin de garantir leur bien-être et d’exprimer pleinement leur potentiel de production, sans traumatisme
  • Depuis 1978, le couple travaille avec des taureaux nord-américains et dans une moindre mesure des taureaux français agréés.

Fiertés et défis

Vous l’aurez saisi, impossible de ne pas mentionner l’impact de l’ESB vécue par l’Earl Des Belles Holstein en 2000. Élisabeth Clech se souvient : « Nous avons surmonté I’épreuve de I’ESB grâce à une solidarité exemplaire. Ensemble, avec intelligence et détermination, nous avons tenu bon.

Michel Lancien, technicien PHF de notre secteur à l’époque, a été le premier à répondre présent dès les premiers instants de Ia crise. Il a su rassembler un groupe d’éleveurs — parmi lesquels Patrick Cabon, Jean-François Saluden, Jean-François Guillaume, André Le Sann, Christine Lancien, Claude Charles, Jean-Luc Peltre, Philippe Deru sans oublier les éleveurs de notre commune et tant d’autres — qui ont formé un véritable noyau de soutien. Leur engagement collectif a été essentiel pour traverser cette période difficile. C’est grâce à cette chaine humaine, à cette entraide sans faille, que nous avons pu reprendre notre souffle, rester debout et garder Ia tête hors de I’eau. Nous ne remercierons jamais assez tous ces éleveurs pour leur présence, leur courage et leur solidarité. Nous avons une pensée pour tous les éleveurs qui aujourd’hui encore affrontent d’autres maladies tellement dévastatrices. Ne l’oubliez jamais : vous n’êtes pas seul ! »

Si aujourd’hui le couple Clech est à la retraite, il continue d’épauler leur fille qui les succède : « nous sommes fiers que Aude ait repris I’Earl et espérons qu’elle poursuivra avec passion le travail commencé, assurant ainsi la continuité de I’exploitation et des valeurs qui nous sont chères. Avec tous nos remerciements pour ce prix de Maître Éleveur ».