Non, les productions animales ne sont pas un non-sens écologique !
Les tenants d’un régime alimentaire composé à 100% de végétaux considèrent les productions animales comme une aberration environnementale. Ce n’est pas tout à fait vrai.
Les productions animales sont la cible de critiques provenant d’horizons et de milieux divers. Basées sur des convictions louables de protection de l’environnement, ces critiques prônent une alimentation basée exclusivement sur des productions végétales. Elles font l’impasse sur une réalité beaucoup plus complexe et ont en commun de mener à une vision étriquée des équilibres écologiques.
Une idée récurrente part du principe que les animaux d’élevage consomment plus de protéines végétales qu’ils n’en restituent sous forme de protéines animales. Conforté par une analyse restreinte de la problématique des émissions de gaz à effet de serre, ce raisonnement aboutit alors à cette conclusion que l’alimentation animale est une aberration. Il serait ainsi plus efficace de destiner les protéines végétales directement à l’alimentation humaine.
Les bovins convertissent les fourrages en protéines
Une partie des protéines végétales consommées par les animaux d’élevage ne sont en fait pas consommables directement par l’homme. Ainsi les ruminants sont capables de convertir des matières cellulosiques et protéines des fourrages indigestibles pour nous, en protéines de haute valeur nutritionnelle. Ces fourrages représentent 70 % ou plus de leur ration, le reste étant composé d’aliments concentrés supplémentaires, dont des protéines végétales qui pourraient être destinées à l’alimentation humaine.
Pour 1 kg de ces protéines végétales, une vache laitière produit entre 0,8 et plus de 2 kg de protéines. Le rapport est donc bénéfique. Il peut même être supérieur à 5 dans les systèmes de production très herbagers comme en Irlande ou en Nouvelle Zélande, et supérieur à 10 dans les milieux très difficiles des Suds selon la FAO. Les bovins de ces milieux sont des convertisseurs très efficients de fourrages locaux très riches en fibres et pauvres en protéines. Enfin, pour une grande partie ces fourrages sont produits à partir de prairies et de terres difficilement convertibles à la production de cultures vivrières.
Les pâturages favorisent la biodiversité des sols
L’élevage ne se résume pas à sa seule fonction de production. Le système de « polyculture-élevage », basé sur le recyclage des nutriments et biomasses entre cultures et production animale, est l’exemple même d’une agriculture agro-écologique. Si certaines formes d’élevage ont pu causer des nuisances dans certains territoires, cela ne doit surtout pas occulter l’apport essentiel de l’élevage à la santé des sols, à la diversité des paysages et à la vitalité des campagnes.
Les sols des prairies où pâturent les animaux d’élevage sont, comme les sols forestiers, remarquablement plus riches en biomasse et en diversité microbiologique et faunique que les sols des cultures, même lorsque ceux-ci sont labourés moins fréquemment. Les déjections des animaux assurent en effet un retour de la matière organique aux sols et permettent par exemple aux flores aérobies comme les champignons de la surface des sols de trouver un bon équilibre carbone/azote pour transformer les résidus des cultures en humus et en formes de carbone stable.
Les prairies constituent des puits de carbone
Cette richesse en matière organique constitue aussi un puits de carbone. Les sols des prairies exploitées par les ruminants stockent ainsi 570 kg de carbone par hectare et par an. De plus, ils subissent des pertes par érosion 20 fois plus faibles que ceux des cultures annuelles. Ils contribuent aussi par leur texture à une bonne filtration des eaux de surface, à la limitation des pertes par ruissellement et à la recharge des nappes phréatiques.
En France, ces zones d’élevage basé sur la prairie valorisent 45 % de la surface agricole utile … Dans les zones sub-tropicales, notamment semi-arides, de récentes études montrent que l’exploitation par l’élevage pastoral des vastes zones de parcours impropres à l’agriculture a un bilan global de Gaz à Effet de Serre favorable. Ceci s’explique grâce au stockage de carbone dans ces écosystèmes et par des émissions de GES qui avaient été surestimées dans les premiers calculs.
Retour de manivelle
Face à une demande mondiale en produits carnés et laitiers en fort accroissement il est certain que le secteur de l’élevage a des challenges à relever et doit progresser dans ses pratiques. Pour autant la substitution des productions animales par les productions végétales ne s’accompagnera pas, loin s’en faut, des effets positifs escomptés. Nous avons pu déjà en faire le constat par le passé. Au début du 19ème siècle la disparition de l’élevage et de ses fonctions a été le premier changement majeur qui a conduit à la désertification des terres. 1 milliard d’hectares de terres arables, soit la surface des Etats Unis, ont ainsi disparu dans le monde.
Dans un autre registre, entre 1971 et 2010, la préconisation des autorités de santé américaine de réduire la graisse animale dans les régimes alimentaires a conduit à une augmentation du sucre dans l’alimentation. La prévalence de l’obésité est ainsi passée de 14,5 % à 30,9 % sur cette même période, et en 2012 les diabètes de type 2 touchaient un américain sur dix. La recommandation a été aujourd’hui purement et simplement supprimée…
Quant à l’empreinte carbone des régimes moins riches en viande, l’expertise scientifique collective Dualine conduite par l’INRA a montré qu’elle n’est pas nécessairement plus faible que celle des régimes classiques, car à apport énergétique égal, il faut consommer de plus grandes quantités d’aliments.
L’opposition entre production animale et production végétale est une fausse bonne idée. Stigmatiser le secteur élevage pour son apparent mauvais rendement énergétique et ses émissions de méthane est une erreur, et c’est aussi stigmatiser l’environnement et les sociétés basées sur ces activités d’élevage, dont 1 milliard de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté en dépendent dans le monde (FAO).
Cet article a été rédigé par Alexandre Ickowicz, chercheur au Cirad, et Jean-Louis Peyraud, chercheur, chargé de mission à la direction scientifiques Agriculture de l’INRA.
Source : http://www.lesechos.fr/
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